Évalué à 205 milliards de dollars américains, le marché mondial du chocolat de confiserie poursuit sa croissance d’année en année. Alors qu’une panoplie d’options s’offre aux consommateurs et consommatrices à la dent sucrée, le couple d’immigrant·e·s Lydie Kouadio et Gogbeu Ouehi, est parvenu à rejoindre une clientèle nichée en innovant avec son entreprise Amango Cacao. Récit de l’aventure entrepreneuriale de Lydie Kouadio, cofondatrice de cette prospère chocolaterie située à Montréal.
La découverte du chocolat au Québec
Étonnamment, le couple d’Ivoirien·ne·s n’était pas friand de chocolat avant son arrivée en sol québécois.
« Nous, on ne voit que la fève », résume Lydie Kouadio, copropriétaire d’Amango Cacao. « Les producteur·trice·s plantent le cacao, le fermentent et c’est tout. Il est ensaché et quasiment donné, pour être transformé ailleurs. Plein de producteurs ou productrices n’ont jamais vu de tablette de chocolat, ce n’est pas commun. Il y a peut-être une personne sur 100 qui a déjà goûté à du chocolat en Côte d’Ivoire », développe-t-elle.
Arrivée à Montréal, Lydie raconte le moment où elle s’est mise à aimer le chocolat. « Je travaillais dans une petite école et deux clientes m’ont offert la même boîte de chocolat. Quand j’ai goûté à ça, j’étais épatée. C’était le chocolat le plus intéressant à vie ». Il est vrai que jusqu’ici, les papilles gustatives de la future entrepreneure s’étaient surtout heurtées à des produits trop sucrés, ce qui allait à l’encontre de ses préférences.
La découverte du potentiel commercial d’un chocolat différent tombe à point puisque Gogbeu Ouehi, le partenaire de Lydie, gérait justement une grande coopérative de près de 3000 producteurs et productrices de cacao en Côte d’Ivoire. L’idée germe donc entre Lydie et Gogbeu de les aider à exporter directement leur cacao.
La solution à un problème humain
Lydie m’explique que comme plusieurs pays peinant à se développer, la Côte d’Ivoire a une économie basée sur le secteur primaire. Très agricole, la nation exporte ses matières brutes sans bénéficier de la plus-value de la transformation.
Afin d’aider les producteurs et productrices à obtenir une meilleure rémunération pour leur labeur, Amango Cacao retranche un intermédiaire et confectionne du chocolat pour lequel la traçabilité est exemplaire de la plantation jusqu’à la tablette. Si bien que Lydie aimerait arriver un jour à inscrire le nom du producteur ou de la productrice sur chaque tablette mise en marché. Pour le moment, le couple d’entrepreneur·e·s offre d’ores et déjà un prix plus élevé aux agriculteurs et agricultrices.
Comme l’explique Lydie, la mission d’Amango Cacao est vraiment de faire le bien et « d’avoir un impact sur la vie des producteurs et productrices, sans faire semblant. Il faut payer le cacao à un prix équitable. Un prix juste, à la hauteur des efforts des producteur·trice·s, c’est ça qui va changer leur vie ».
Les trois grands défis relevés par la PME
C’est connu, comme le dit l’expression québécoise, il ne faut pas être fait·e en chocolat pour se lancer en affaires. À cet égard, la cofondatrice d’Amango Cacao, Lydie Kouadio, raconte comment elle et son mari sont parvenus à mettre sur pied une entreprise prospère malgré les obstacles successifs.
Obtenir du financement
« Nous, au début, le challenge était le financement avant de rencontrer Evol. On est resté·e·s focus sur ce qu’on voulait, on a décidé d’aller jusqu’au bout de ce que l’on voyait », me confie Lydie.
Après ses premiers contacts avec Evol, Lydie a participé à une Cellule de codéveloppement où elle a eu l’occasion d’échanger avec d’autres entrepreneur·e·s en démarrage. « Evol nous a aidés financièrement, en plus, le codéveloppement avec d’autres entrepreneures, ça nous a permis de partager des trucs, d’échanger sur les bons coups et les mauvais coups et d’être propulsé·e·s », témoigne Lydie.
D’ailleurs, ce contact humain transparaît aussi dans les propos de Lynn McDonald, directrice régionale de Montréal, qui a accompagné Lydie : « elle fait partie de la famille », lance-t-elle en souriant.
Se démarquer dans un marché saturé
La majorité des artisan·e·s du chocolat travaillent à partir de la pâte de cacao. Lydie, elle, décide de se rendre aux États-Unis pour suivre une formation pointue qui lui permet d’œuvrer à même la matière première, soit la fève de cacao. Cela lui octroie un contrôle accru sur sa chaîne d’approvisionnement et d’effectuer la torréfaction du cacao à même son atelier-boutique.
Puisque Amango Cacao restreint la liste d’ingrédients de ses confiseries aux éléments strictement nécessaires et n’utilise pas d’agents de conservation, ses artisan·ne·s choisissent soigneusement le type de plants utilisé. « Comme la transformation est très naturelle, on va choisir la matière première en fonction de la saveur », confirme Lydie.
Les producteurs et productrices de cacao avec qui Amango Cacao fait affaire reçoivent bien souvent le double du montant qui leur serait versé s’ils ou elles travaillaient encore pour de grandes corporations. Même si les tablettes de chocolat artisanales d’Amango Cacao se détaillent à un prix plus élevé, Lydie assure que « les consommateurs et consommatrices sont content·e·s parce qu’ils·elles soutiennent une cause, une vision, une façon de faire. Nos produits sont aussi différents sur le plan des saveurs. En plus de prendre soin des producteur·trice·s, nous respectons l’environnement ».
« On est vraiment engagé·e·s dans l’environnement », poursuit l’entrepreneure « mais aller chercher une certification biologique, ça coûte de l’argent. Comme les gens ont déjà de la misère à avoir un prix juste pour leur cacao… On travaille avec une coopérative et sur près de 1700 producteur·trice·s, 300 ont la certification biologique. Les autres, on va les prendre pareil parce que notre mission, c’est d’aider. On va toutefois s’assurer qu’ils et elles sont sensibilisé·e·s. On les connaît, on va travailler avec elles, eux et la coopérative pour qu’il y ait des garanties, dont celles de traitements sans pesticides. On va aussi leur expliquer pourquoi les pesticides font plus de tort que de bien, parce que notre but c’est vraiment de les soutenir dans leur bien-être ».
Les dirigeant·e·s d’Amango Cacao cherchent aussi à réduire et à limiter leur utilisation du plastique en privilégiant les emballages en papier et en incitant, à l’aide d’un rabais, les acheteurs et acheteuses à rapporter leurs boîtes de carton pour les réutiliser.
Qui plus est, Lydie se soucie aussi beaucoup de la santé des gens. À cet égard, elle conçoit ses produits afin qu’ils ne dépassent pas un certain pourcentage de sucre. Ainsi, les saveurs ajoutées au chocolat sont entièrement naturelles et proviennent de fruits secs, comme la mangue, un produit africain réputé riche en antioxydants.
Les denrées de la PME sont dépourvues de produits laitiers. Le lait est remplacé par la noix de cajou qui provient d’une coopérative de femmes en Côte d’Ivoire. « C’est un choix personnel, je soutiens vraiment l’initiative végane. Je suis aussi intolérante au lactose et je trouve que c’est une autre façon de réduire notre empreinte carbone », explique Lydie.
Leçons tirées de cette aventure entrepreneuriale
Garder le cap malgré les défis
« Pour moi, mes valeurs, ce n’est pas négociable. Les valeurs d’une entreprise, c’est comme celles d’une personne. Tu as des valeurs et tu les suis, peu importe ce qui arrive, même quand c’est difficile. Tu ne vas pas décider de voler même si tu n’as rien à manger », illustre Lydie.
Même avec l’augmentation des coûts des denrées alimentaires, Lydie persiste : « Je préfère expliquer aux clients, plutôt que de renoncer. Je n’ai pas encore atteint mon objectif. Oui, notre business nous permet de nous exprimer, mais nous voulons atteindre un certain impact sur les producteurs et productrices ».
Apprendre à se faire confiance
Aux immigrant·e·s désirant se lancer en affaires, Lydie conseille de se faire confiance. « C’est la première des choses. Vous avez une idée. La confiance en vous, ça va se transmettre, la confiance en vos produits, en votre capacité à travailler. Si vous êtes capables d’offrir aux gens ce dont ils et elles ont besoin, il faut y aller ». L’entrepreneure ajoute aussi l’importance de se faire accompagner et conclut : « on a beaucoup de gens dans la communauté qui ont des business et qui génèrent des millions de chiffres d’affaires. Il ne faut pas avoir peur ».
S’entourer des bonnes personnes
À propos de monter un projet d’affaires en duo, Lydie n’hésite pas à qualifier de force cette association et à la recommander. « Tu ne peux pas être en entrepreneuriat si tu n’as pas une équipe. Ne t’associes pas avec n’importe qui, il faut que ça match, que tu puisses vivre avec les qualités et les défauts de l’autre. Ensemble, vous devez aussi partager la même vision. Pour moi, il n’est pas possible de tout faire seule, c’est l’équipe qui va propulser l’entreprise ». Elle mentionne aussi l’effet bénéfique sur la motivation qu’exerce le partage des responsabilités avec son associé. « En affaires, ça ne fonctionne pas toujours comme tu le veux. Quand l’un est down, l’autre est up.»
Au fil du temps, les deux acolytes ont trouvé leur créneau et ont redéfini leurs rôles. Aujourd’hui, Lydie se charge de la planification stratégique, du développement de nouveaux produits et principalement de l’administration et de la gestion. Elle se rend tout de même en boutique environ trois fois par semaine. Plus présent sur le terrain, son mari a pris en charge la production et le service à la clientèle. De plus, durant la haute saison, Amango Cacao se dote d’un·e employé·e, tandis que les deux filles du couple offrent un coup de main à l’entreprise familiale.
L’avenir prometteur d’une PME impliquée socialement
Lydie a été agréablement surprise par l’engouement des Québécois·e·s pour ses produits, elle indique : « au début, on était stressé·e·s, mais quand les gens goûtent et qu’ils aiment, c’est vraiment une belle reconnaissance ».
Moins de cinq ans après l’ouverture de leur première succursale, Lydie et Gogbeu projettent d’ouvrir un second atelier-boutique et visent avec leur expansion à aider 5000 producteurs et productrices africain·e·s à obtenir une meilleure rémunération pour l’exercice de leur métier. À terme, le couple souhaite même ouvrir un centre de transformation afin d’améliorer encore la qualité de ses produits.
En terminant, Lydie partage sa conviction : « Moi je pense que si tu as un rêve, il faut t’organiser pour réaliser ce rêve ».
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Grâce à l’engagement de précieux partenaires: Économie Québec, par l’entremise de son mandataire Investissement Québec, la Banque Nationale, la Banque de développement du Canada (BDC), le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction, Evol dispose d’une enveloppe d’envergure pour soutenir, par le biais de prêts conventionnels, des entreprises à propriété inclusive et diversifiée, générant des impacts sociaux et environnementaux positifs alignés sur les objectifs de développement durable de l’ONU (ODD).