On ne rencontre pas tous les jours une entrepreneure sociale à la tête d’un OBNL qui s’est d’abord et avant tout fait connaître par son travail de stand-up comic. Phénomène rare dans le milieu des affaires, Dorothy Rhau brise les barrières et fait sa marque en se consacrant à un sujet brûlant d’actualité : le racisme systémique, particulièrement en ce qui concerne les femmes et les jeunes filles noires. Son ambition : « Que notre société devienne l’une des plus inclusives et égalitaires au monde ».
Montréalaise d’origine haïtienne, Dorothy Rhau a suivi un parcours décidément pas ordinaire : elle étudie en administration et en ressources humaines à l’Université McGill, fait carrière dans les médias – radio, animation – et se produit sur la scène humoristique du Québec et du Canada. En 2018, après avoir été l’instigatrice du Salon international de la femme noire (SIFN), elle décide de se consacrer à l’entrepreneuriat social en fondant l’OBNL Audace au féminin. Sa mission : propulser l’émancipation et l’autonomie socioéconomique des femmes noires. Rien de moins.
Et ce n’est pas tout. « À travers nos activités, nous voulons aussi trouver une solution au problème d’invisibilisation des femmes noires. Je suis née au Québec, j’ai 46 ans et, lorsque j’étais jeune, peu de modèles féminins me ressemblaient. C’est ce qui m’a poussée à vouloir changer les choses. Aujourd’hui, on utilise la plateforme du SIFN pour mettre en lumière des femmes noires qui se distinguent dans toutes les sphères d’activité, que ce soit en politique, en technologie, en environnement, en affaires ou dans le sport. C’est notre cadeau à la société québécoise et canadienne. »
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase
A priori, tout un monde sépare le milieu de l’humour de celui de l’entrepreneuriat social. Mais pas pour Dorothy, qui a changé le cap de sa carrière avec une étonnante facilité. « Comme humoriste, j’ai pu profiter d’une certaine plateforme qui m’a donné de la visibilité auprès des médias comme du public. » Le facteur déclenchant : une visite à la pharmacie pour acheter un fond de teint, où on lui a annoncé qu’on n’avait rien pour les « femmes de couleur » comme elle. En 2016 ! « On sait que les femmes racisées ne sont pas assez présentes au petit écran, au grand écran, en politique. Mais cette expérience à la pharmacie a été pour moi la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. » C’est ce qui l’a décidée à passer à l’action sans plus attendre.
Les femmes tranquilles ne font pas l’Histoire
De son propre aveu, Dorothy n’a pas choisi l’entrepreneuriat, c’est plutôt l’entrepreneuriat qui l’a choisie. « Ma frustration par rapport à l’invisibilisation de la femme noire, plutôt que de me freiner, est devenue le moteur qui m’a poussée à devenir une agente de changement. » Pas étonnant qu’une de ses citations préférées soit Les femmes tranquilles ne font pas l’Histoire, comme l’a si bien dit la journaliste et militante américaine Maria Shriver. C’est lorsqu’elle est présente aux rassemblements organisés par Audace au féminin — comme comme le SIFN ou Audace Masterclass — que Dorothy a la conviction d’avoir pris la bonne décision. « Sur place, je peux vraiment mesurer l’impact que nous avons sur les participantes. » Ce qui lui fait particulièrement chaud au cœur : croiser des femmes qui la remercient de ce qu’elle fait pour promouvoir la diversité et l’inclusivité, non seulement dans des évènements, mais aussi dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Le tremplin numérique
En mai dernier, pandémie oblige, le grand évènement annuel d’Audace au féminin, le SIFN, s’est transformé en salon virtuel. Une initiative couronnée de succès, qui a attiré pas moins de 20 000 participants et qui est à l’origine du virage numérique que prend aujourd’hui l’entreprise. « Nous avons démarré nos ateliers numériques à la mi-octobre, et nous préparons la quatrième édition du SIFN, qui se déroulera à nouveau en ligne. » Le fil conducteur : la relance économique des femmes noires entrepreneures. « Nous mettons en place un programme adapté à leurs besoins pour les aider à traverser cette zone de turbulence et leur permettre d’aller de l’avant avec leurs projets. Nous les accompagnons pour qu’elles s’intègrent dans l’écosystème entrepreneurial québécois. »
Un nouveau regard sur les ressources humaines
Pour Dorothy, le combat ne fait que commencer. « Lorsque je travaillais comme conseillère en ressources humaines, la diversité était mon cheval de bataille. Disons les choses telles qu’elles étaient : il y avait de la discrimination dans le processus de sélection des candidats. C’était il y a quinze ans, tout le monde savait qu’il y avait un problème, tout le monde en parlait, mais il a fallu que l’incident George Floyd se produise pour que tout le monde se réveille. »
Pour la fondatrice d’Audace au féminin, la diversité culturelle doit se retrouver au cœur des ressources humaines, où les équipes ne peuvent pas être composées de gens qui se ressemblent. Son conseil aux dirigeants ? Commencer par un premier exercice, fort révélateur, qui consiste à évaluer qui détient le pouvoir décisionnel dans leur entreprise. « Je suis consciente du fait que ce n’est pas du jour au lendemain que la situation va changer, mais j’ai de l’espoir. Je crois que lorsque mon fils arrivera sur le marché du travail, plus de portes intéressantes s’ouvriront pour lui que pour ses prédécesseurs. »
Surtout, ne pas baisser les bras
En guidant les femmes et les jeunes filles noires sur le chemin de la réussite, Audace au féminin répond à plusieurs objectifs de développement durable de l’ONU, notamment celui qui vise la réduction des inégalités sociales. Les actions de l’entreprise bénéficient non seulement aux femmes noires, mais aussi à toutes les femmes racisées, les autochtones notamment, qui ont encore et toujours des défis à relever dans notre société.
Le message de Dorothy à l’attention de toutes les entrepreneures issues de la diversité : « Bravo. Continuez. Ne lâchez pas. Je sais très bien ce que vous avez vécu, ce qui s’est passé. Il faut oser prendre votre place, oser frapper aux portes des organismes qui peuvent vous aider, oser vous insérer dans l’écosystème économique. N’hésitez pas à aller chercher des alliés, des partenaires. Un bel exemple : la campagne La Force de l’impact d’Evol, qui s’adresse aux femmes de tous les horizons. »
Des ambassadrices inspirantes
Pour maximiser la force de l’impact de sa campagne, Evol s’entoure de quatre ambassadrices exceptionnelles, dont les entreprises répondent à plusieurs objectifs de développement durable de l’ONU : Marie-Josée Richer, cofondatrice de Prana (consommation et production responsable) ; Cadleen Désir, fondatrice de Déclic (éducation de qualité) ; Dorothy Rhau, fondatrice d’Audace au féminin (réduction des inégalités) ; et, enfin, Mélissa Harvey, fondatrice de Zorah Biocosmétiques (travail décent et croissance économique).
Pour en savoir plus sur ces femmes aussi motivantes qu’inspirantes, nous vous invitons à les découvrir sur notre blogue – ou en écoutant nos balados animés par Sévrine Labelle, PDG d’Evol. C’est un rendez-vous !