Résiliente. C’est le mot qui résonne dans ma tête depuis ma rencontre avec Marie-Eve Lejour, propriétaire de la Savonnerie des Diligences. Plusieurs auraient baissé les bras devant tous les défis et obstacles qui se sont présentés dans sa vie d’entrepreneure. Mais Marie-Eve est déterminée et confiante. Elle fait les choses à sa façon. Et ça lui réussit.
C’est avec 200 $ en poche qu’elle fonde en 2005 la Savonnerie des Diligences, une entreprise de conception artisanale de savons et produits corporels naturels.
Dès le départ, son entreprise est alignée sur ses propres valeurs de respect de l’environnement et de l’humain. Soyons honnêtes, il y a 15 ans, ce n’était pas commun. Mais Marie-Eve est convaincue que c’est la chose à faire et elle ne voit pas comment cela pourrait faire du sens autrement.
Durant les 11 premières années, l’entreprise est située à même la maison familiale à Eastman. La boutique aussi. « À un moment donné, on était enseveli de savons », mentionne Marie-Eve.
Il faut dire que la compagnie se démarque rapidement par ses produits, mais aussi grâce à l’idée créative de Marie-Eve d’associer chaque savon à une légende. Amoureuse des mots et des histoires, elle réussit avec cette idée à littéralement transformer l’histoire de la savonnerie.
Rapidement, les visiteurs deviennent de plus en plus nombreux et l’espace devient une denrée rare. Le manque d’espace revient d’ailleurs souvent dans l’histoire de cette entreprise en pleine croissance.
Défi 1 : le financement
Marie-Eve fait rapidement face à un enjeu important : celui du financement. Suite à une séparation, elle tente de racheter les parts de la maison à son ex-conjoint. Je vous rappelle que l’entreprise est située à même cette maison…
Mission qualifiée d’impossible par plusieurs professionnels, puisque l’entrepreneure ne se versait pas de salaire à cette époque afin d’assurer la croissance de l’entreprise. C’est la réalité de plusieurs entrepreneur.e.s.
Le mot « impossible » résonne très fort chez Marie-Eve et les émotions liées à celui-ci se transforment en une puissante détermination à prouver le contraire. « Chaque défi est une opportunité », me confie-t-elle.
Elle négocie donc du temps et met les bouchées doubles.
Sa détermination et ses efforts portent finalement fruits et elle réussit son objectif. Mais l’enjeu lié à l’espace bat son plein.
À l’écoute de son instinct, elle tombe sous le charme d’un terrain vacant situé à Austin, en face du lac Orford et tout près du sentier pédestre Ruisseau-des-Chênes du Parc national du Mont-Orford. Elle sent que c’est là qu’elle doit déménager la boutique. La même journée, elle signe une offre d’achat, convaincue qu’elle trouvera comment financer ce projet d’envergure.
Après quelques « non » qui, rappelons-le, la poussent à trouver des solutions, elle finit par convaincre un investisseur, et c’est en 2017 que la savonnerie quitte le nid familial.
Cette décision financière était risquée, mais Marie-Eve est très confiante. « On ne pouvait plus rester à la maison, c’était impensable! »
Son instinct avait raison puisque cette décision permet à l’entreprise de doubler son chiffre d’affaires. « Déménager a donné de la crédibilité à l’entreprise », me raconte-t-elle.
Afin d’attirer les client·e·s à la boutique, elle crée aussi un café à même cette bâtisse. Les randonneurs qui fréquentent le sentier à proximité sont nombreux à utiliser son stationnement et à faire un arrêt au café.
Défi 2 : la croissance rapide
Entreposer du savon, ça prend de la place. La production quotidienne devient de plus en plus importante pour répondre à la demande. L’équipe s’agrandit et l’espace devient de nouveau un enjeu.
En discutant avec l’un de ses fournisseurs situé à Bolton, elle décide d’y louer un espace d’entreposage avec l’idée de racheter le bâtiment à moyen terme.
La gestion d’équipe se présente également comme un défi et Marie-Eve en fait sa priorité. « Je veux que les employés vivent une expérience de travail à l’image magique de l’entreprise. Je veux que tout le monde puisse y déployer son potentiel. »
Défi 3 : la fatigue chez l’entrepreneure
Marie-Eve n’arrête jamais et, comme de nombreuses entrepreneures, elle est aussi cheffe de famille. Être maman sera toujours sa priorité, viennent ensuite son entreprise et ses 40 employés.
En 2019, les nombreux défis relevés pèsent sur les épaules de Marie-Eve et son médecin lui recommande du repos. Elle prend alors la difficile décision de prendre quelques jours de congé, loin de tout.
Mais la nuit du 31 octobre au 1er novembre 2019 lui réserve un autre plan…
Défi 4 : des pertes financières importantes
Le 31 octobre 2019, de fortes pluies tombent à Eastman. Il pleut tellement que l’entreprise subit les dommages d’une inondation. « Les savons flottaient et je me rappelle être restée figée devant la scène d’horreur tellement j’étais fatiguée », me confie-t-elle. Le repos attendra…
La perte de son inventaire est évaluée à 200 000 $, le tout, juste avant la période importante du temps des fêtes.
« Quand j’ai appris que les assurances ne couvraient pas ce genre de dommage, je me suis dit que c’était la fin », raconte Marie-Eve.
Mais les employés, leur famille et les citoyen·ne·s font preuve d’une solidarité inespérée envers l’entreprise. Cette vague d’amour redonne espoir et courage à l’entrepreneure et rapidement les activités de production sont déménagées dans l’immeuble utilisé comme entrepôt à Bolton.
L’équipe a fait tous les efforts pour reprendre le travail perdu à temps pour Noël. Rappelons que malgré la forte croissance, l’entreprise fabrique toujours ses savons de façon artisanale.
À partir de ce moment, l’équipe est divisée en deux : la production à Bolton et l’équipe administrative ainsi que la boutique à Austin.
Défi 5 : une pandémie mondiale
À peine quelques mois plus tard, le monde entier est frappé par une pandémie qui force la fermeture de la boutique et du café. Par chance pour l’entreprise, la boutique en ligne était déjà fonctionnelle et très utilisée par les client·e·s.
C’est alors que Marie-Eve est forcée d’enfin ralentir. Et cette pause est l’opportunité pour elle de réfléchir à la suite.
Sa vision est claire et celle de son équipe aussi. C’est ensemble qu’ils ont écrit « Les 5 grands rêves » de l’entreprise.
La pandémie force le report d’un des rêves les plus précieux pour Marie-Eve, soit celui de collaborer avec des femmes à l’international à la création de leur propre savonnerie. « L’entreprise me permet de voir grand et d’avoir un impact positif sur d’autres personnes. Ce projet se réalisera dès que cela sera possible. C’est important pour moi, mais aussi pour l’ensemble de mon équipe », explique-t-elle.
Cette pause mondiale a donné envie à l’entrepreneure de centraliser ses activités et son équipe. « Je me remets constamment en question! Comment peut-on faire mieux? »
Elle prend la décision de ne pas rouvrir le café, de déménager la boutique dans un café au village d’Eastman et de centraliser toutes les activités de l’entreprise à Bolton. La bâtisse d’Austin est mise en vente. Les projets d’agrandissement se réalisent à Bolton pour accueillir le siège social. « Je sais que c’est ce qu’il faut faire. Être tous ensemble », me confie-t-elle. « On a encore plein de rêves à réaliser. »
Et selon moi, Marie-Eve Lejour n’a pas fini de nous surprendre…
Pour en apprendre davantage sur le parcours de cette entrepreneure, je vous invite à écouter sa série de podcasts : Créatrice de richesse.
Pour en connaître davantage sur l’entreprise, cliquez ici.