Traditionnellement, la raison d’être d’une entreprise a toujours été de faire des profits. Mais aujourd’hui, la performance ne se conjugue plus seulement en chiffres : elle se juge par une série de facteurs qui dépassent de loin la simple question financière.
Salmata Ouedraogo nous présente cette réalité nouvelle, où profits et responsabilité sociale sont les deux faces d’une même médaille.
Mme Ouedraogo est professeure titulaire au département des sciences économiques et administratives de l’Université du Québec à Chicoutimi. Dans le cadre de ses travaux de recherche, elle s’intéresse notamment au développement durable dans une perspective économique.
Une nouvelle définition du développement durable ?
La définition du développement durable communément admise date des années 1990 ; elle va comme suit : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
Or cette définition renvoie essentiellement aux besoins physiques et matériels des individus.
Salmata Ouedraogo, pour sa part, lui préfère celle de l’organisation internationale de la francophonie — elle est non seulement plus récente (2016), elle est surtout plus englobante :
Le développement durable est « une démarche visant l’amélioration continue de la qualité de vie des citoyens par la prise en compte du caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale, économique et culturelle du développement dans une perspective d’équité intra- et intergénérationnelle ».
Cette façon élargie de concevoir le développement durable est bénéfique, car une vision trop étroite du DD ne permet pas d’empêcher une pauvreté non monétaire, un défaut d’équité.
Bref, l’ajout de notions fondamentales et immatérielles comme la culture, la qualité de vie et le bonheur sont un enrichissement, dans tous les sens du terme. Et en conséquence, la grille d’évaluation de la performance d’une entreprise doit être revue.
La nouvelle manière de considérer la perfermance d’une entreprise
En effet, on ne juge plus seulement une entreprise sur sa rentabilité, mais aussi sur l’impact qu’elle a sur la société et ses multiples parties prenantes.
De fait, il existe deux courants de pensée qui s’affrontent.
1. Le premier établit un lien négatif entre le développement durable et la performance financière. Il part du principe que l’entreprise n’a ni les compétences ni les connaissances pour rendre le DD profitable, ce qui affecte négativement la rentabilité de l’entreprise, éventuellement même sa compétitivité.
2. Le deuxième voit au contraire le DD comme une opportunité pour booster la rentabilité. C’est d’ailleurs le point de vue de Salmata Ouedraogo, pour qui compétitivité, performance financière et gestion écoresponsable sont parfaitement conciliables.
La multiplication des parties prenantes
Un autre élément à prendre en considération est le nombre accru de parties prenantes qui ont aujourd’hui un œil sur les affaires de l’entreprise, ont leur mot à dire, jugent, veulent être entendues et écoutées.
De ce point de vue, la gestion d’une entreprise s’est considérablement complexifiée au cours des dernières décennies. Il est fini le temps où on dirigeait à l’abri des regards et où on n’avait de comptes à rendre qu’aux actionnaires!
Avec Internet, il est facile de tout savoir sur une entreprise. Et avec les réseaux sociaux, on peut s’exprimer sur elles en long et en large.
Ce qui entraîne ce que Mme Ouedraogo appelle un paradoxe, c’est-à-dire que les entreprises doivent satisfaire des parties prenantes aux intérêts parfois divergents, voire incompatibles :
- les consommateur·trice·s veulent des biens de qualité, facilement accessibles, à moindre prix
- les actionnaires veulent maximiser leurs profits et les investisseur·e·s, leur investissement
- les employé·e·s exigent d’être bien traité·e·s et d’évoluer dans un environnement de travail sain et respectueux
- la collectivité souhaite que l’entreprise soit écoresponsable et un bon citoyen corporatif
- les gouvernements s’attendent à ce que l’entreprise paye ses impôts et respecte les cadres réglementaires
- les groupes de pression réclament qu’une organisation joue un rôle important sur une question sociale ou environnementale précise.
Mais comment satisfaire tout le monde ?
Difficile, répond Salmata Ouedraogo, mais en accumulant les petits gestes, en jouant la carte de la transparence, de l’inclusion, de l’imputabilité, de la solidarité, on peut dépasser les tensions et progresser dans la bonne direction.
Est-ce facile ? Non.
Est-ce possible ? Oui.
Souhaitable ? Absolument.
En se tournant vers les bonnes pratiques en développement durable, une entreprise peut :
- maximiser sa productivité
- avoir plus facilement accès à du financement
- réduire ses coûts de fonctionnement et d’exploitation des ressources
- consolider des marchés, en développer de nouveaux
- attirer et retenir la main-d’œuvre
- innover et apprendre
- fidéliser sa clientèle
- améliorer sa gestion des risques
Pourtant, face au DD, toutes les entreprises ne réagissent pas de la même manière. Salmata Ouedraogo distingue trois attitudes distinctes :
- Écodéfensive — les règles environnementales sont perçues comme étant une contrainte par l’entreprise, qui pourra aller jusqu’à essayer d’influencer les pouvoirs publics pour les faire modifier ou les contourner. Certaines organisations vont même préférer payer les pénalités de non-respect du cadre réglementaire plutôt que de s’y soumettre.
- Écoconformiste — les règles existent, je m’y conforme, mais sans zèle.
- Écosensible — se dit des entreprises qui épousent entièrement les principes de protection environnementale et les intègrent dans l’ensemble de leurs activités.
Il va sans dire que Salmata Ouedraogo prêche pour la troisième catégorie, ne serait-ce que parce que les avantages sont nombreux, et que c’est la voie du succès à moyen terme et celle de la pérennité.
Il existe de nombreux exemples dont on peut s’inspirer : Cascades, Nutrinor, Prana, Desjardins…
Ce présent article a été rédigé suite au visionnement du webinaire « Prendre des décisions socioéconomiques responsables » animé par Salmata Ouedraogo. Cette présentation se veut inspirante, aux accents philosophiques qu’on entend moins dans le monde des affaires.
En partenariat avec Cascades, Evol présente une série de 3 dîners-conférences pour vous aider à devenir une entreprise responsable aux niveaux social, environnemental et économique. C’est avec grand plaisir que nous vous invitons à regarder les enregistrements disponibles dans la section Boite à outils. Bonne écoute !
Présentation de notre partenaire
Cascades, un monde de possibilités!
Fondée en 1964, Cascades propose des solutions durables, innovantes et créatrices de valeur en matière d’emballage, d’hygiène et de récupération. L’entreprise compte approximativement 10 000 femmes et hommes travaillant dans un réseau de près de 80 unités d’exploitation situées en Amérique du Nord.
Leur mission : contribuer au mieux-être des personnes, des communautés et de la planète en proposant des solutions durables, innovantes et créatrices de valeur.
Cascades désire jouer un rôle essentiel dans le succès de ses clients en traçant la voie en matière de solutions durables d’emballage, d’hygiène et de récupération.
Pour en connaître davantage sur les services offerts par Cascades: https://www.cascades.com/fr/produits-services/services.
Salmata Ouedraogo est professeure titulaire à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).
Elle est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en économie appliquée (HEC Montréal), au programme conjoint de doctorat qui réunit les quatre grandes universités montréalaises, l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia, l’École des Hautes Études commerciales de Montréal (HEC), l’Université McGill et l’Université du Québec à Montréal. Elle est spécialisée en microéconomie du développement. Elle détient aussi un Diplôme d’études approfondies en économie de l’environnement de l’université de Ouagadougou (Burkina Faso).
Depuis août 2008, madame Ouedraogo est professeure-chercheuse au département des sciences économiques et administratives de l’UQAC, où elle enseigne au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat.
Dans le cadre de ses travaux et par passion avec ses collègues, elle s’est penchée sur des problématiques pratiques de développement, telles que la pauvreté multidimensionnelle, le développement durable, l’économie sociale, le genre, la santé et l’éducation, tous applicables au contexte socio-économique du Québec et en région.
Elle habite le Saguenay-Lac-Saint-Jean depuis 2008. Elle a d’abord été professeure, puis directrice du recrutement et de la mobilité internationale et directrice de la maîtrise en gestion des organisations à l’UQAC. Elle est actuellement la directrice de la maîtrise en gestion de projet et la responsable académique des programmes délocalisés de l’UQAC, au Sénégal.
Le 6 décembre 2019, elle a reçu le titre de Chevalier de l’Ordre de l’Étalon. Cette distinction, la plus élevée au Burkina Faso, récompense le mérite personnel et les services éminents, civils ou militaires rendus à la nation. Elle lui a été décernée pour son parcours et son implication dans l’enseignement, la recherche et la formation.
Avec un projet de livre sur la planche à dessin, cette femme de tête et de cœur impliquée auprès des communautés en tant que bénévole, milite pour faire comprendre que l’économie, ce n’est pas que des chiffres; c’est surtout une dimension sociale multidimensionnelle, que les parties prenantes ont un pouvoir d’action pour créer des mesures palliatives, afin de diminuer les écarts entre les classes sociales, surtout en temps de pandémie.