Fiscalité des PME : des notions fondamentales à connaître pour prendre les meilleures décisions pour son entreprise

Quelle est la différence entre un·e employé·e et un·e travailleur·se autonome sur le plan fiscal ? Vaut-il mieux se payer en salaire ou en dividende ? Quelles dépenses sont déductibles ? À partir de quel seuil de revenu vaut-il la peine de s’incorporer ? Bref, vous avez des questions, Mylène Goyette, CPA, a toutes les réponses.

Pas toujours évidentes, les questions fiscales. D’autant qu’il y a beaucoup de ouï-dire qui circulent et que les fausses croyances sont nombreuses. D’où l’idée d’inviter une personne compétente pour nous éclairer. Mylène Goyette, CPA, a son propre cabinet et passe ses journées à conseiller des dirigeant·es d’entreprise comme vous. 

Fiscalité des employé·es 

Les employé·es touchent un salaire de leur employeur. Ce revenu est net, précise la comptable, c’est-à-dire que les remises gouvernementales ont déjà été versées par l’employeur — les fameuses retenues à la source :

  • Régime des rentes du Québec (RRQ)
  • Régime québécois d’assurance parentale (RQAP)
  • Assurance-emploi (AE)
  • Impôt 

Si la personne n’a pas d’autres revenus, il est probable qu’elle n’ait pas d’impôt additionnel à payer à la fin de l’année.

Le personnel peut-il déduire des dépenses ?

Déduire des dépenses, cela signifie déclarer des dépenses qui réduisent notre revenu imposable. Si je gagne 50 000 $ dans une année et que j’ai 2500 $ de dépenses admissibles, mon revenu imposable est de 47 500 $ (en conséquence, je paie moins d’impôt).

Un·e employé·e peut déclarer des dépenses, mais les possibilités à ce chapitre sont beaucoup moins grandes que pour les travailleurs autonomes (TA).

Pour les employé·es, trois conditions doivent être satisfaites en matière de dépenses admissibles :

  1. Si votre employeur s’attend à ce que vous engagiez certaines dépenses dans le cadre de votre travail, cela doit être stipulé dans votre contrat d’emploi. Par exemple, si vous devez utiliser votre propre véhicule, l’employeur doit le spécifier. 
  2. Vous ne devez recevoir aucun remboursement ni allocation pour ces dépenses.
  3. Votre employeur doit remplir, signer et vous remettre les formulaires d’attestation des dépenses T2200 (fédéral) et TP-64.3 (Québec).

À ces 3 conditions, il faut en ajouter une quatrième, à savoir que la dépense doit apparaître dans la liste des dépenses admises par le gouvernement. En gros, il s’agit de : 

  • frais de déplacement (nourriture, hébergement)
  • frais pour l’utilisation de son véhicule (carburant, assurances, entretien, immatriculations, etc.).
  • frais de bureau à domicile (calculés au prorata de la superficie utilisée) : électricité, chauffage, entretien mineur, etc.
  • cotisations professionnelles ou syndicales.
Fiscalité des travailleurs et travailleuses autonomes (TA)

Les TA sont responsables d’établir leur revenu imposable, qui s’obtient en soustrayant les dépenses des ventes. En clair, si vous vendez pour 75 000 $ de services et que vous avez des dépenses de 15 000 $, votre revenu imposable sera de 60 000 $.

Ce revenu est brut ; en tant que TA, vous devez payer vous-même vos cotisations de RRQ, RQAP et FSS.

Les dépenses admissibles pour les TA 

Les dépenses admissibles sont nettement moins restrictives pour les TA que pour les employé·es. 

De fait, à peu près n’importe quoi est admissible, à la condition que la dépense vous permette de générer des revenus

La notion de génération de revenus est vaste. Si vous offrez une bouteille de vin à une cliente pour son anniversaire, ça peut entrer dans cette catégorie. Si vous surprenez votre douce moitié avec un bouquet de fleurs au motif qu’elle vous a écouté raconter votre journée de travail au souper hier soir, vous aurez probablement plus de difficulté à justifier la dépense advenant un contrôle fiscal.

Faisons quelques remarques à propos de ces dépenses. 

  • Les frais de représentation (un lunch avec une cliente potentielle, la bouteille de vin mentionnée ci-dessus) sont déductibles à 50 % seulement (sauf certaines exceptions). Ainsi, si le repas coûte 82 $, vous inscrivez 41 $ comme dépense. 
  • Vous pouvez déduire les dépenses (en proportion [%] de son utilisation) liées à l’utilisation d’une voiture, dans la mesure où le véhicule est utilisé pour votre vie professionnelle. Attention, le ski en famille la fin de semaine n’entre probablement pas dans la catégorie de vie professionnelle… En passant, il est bon de conserver un registre de ses déplacements professionnels, ça peut être fort pratique en cas de contrôle. 

Attention : il existe plusieurs limitations dans les dépenses de transport — là encore, votre comptable saura vous éclairer. 

  • Les biens d’une durée de vie de plus de 12 mois doivent être amortis. Si vous achetez un immeuble, un ordinateur ou un téléphone, vous ne pouvez inscrire 100 % de la dépense l’année de l’achat. Le coût est amorti sur plusieurs années. Le taux et la période d’amortissement sont fixés par le gouvernement et dépendent de la catégorie du bien.

Attention : une mesure temporaire (présentée dans le budget fédéral de 2021) est actuellement en vigueur. Elle prévoit que la valeur de tout bien acquis par une société après le 18 avril 2021 et avant le 1er janvier 2024 peut être entièrement passée comme dépense l’année de l’achat (et non amortie sur plusieurs années). Pour un particulier qui exploite une entreprise, les biens acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2024 sont visés par cette mesure. Seuls quelques biens ne sont pas visés par cette mesure extrêmement intéressante, notamment les immeubles, marques de commerce et brevets. Profitez-en !

L’impôt des sociétés par actions

Le taux d’imposition des sociétés par actions — communément appelées les entreprises incorporées — est nettement moins élevé que celui des particuliers. 

En effet, si le revenu net de l’entreprise n’excède pas 500 000 $, le taux varie entre 12,2 et 20,5. Pour la portion supérieure à 500 000 $, il atteint 26,5 %. 

S’incorporer, ça en vaut la peine ?

La grande question qui hante tous et toutes les TA ! 

Premier conseil : parlez-en à votre comptable. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte, votre comptable vous aidera à prendre la meilleure décision.

Mais pour vous situer, le principe de base est le suivant, selon Mylène Goyette : s’il reste de l’argent dans votre entreprise à la fin de l’année et que vous prévoyez que ce sera la même chose pour les années à venir, vous devriez envisager l’incorporation.

En clair :

  • si vous avez besoin pour vivre de tout ce que vous gagnez, l’incorporation, qui vient avec des frais non négligeables, n’est probablement pas une solution avantageuse ;
  • si vos revenus sont plus élevés que vos dépenses personnelles et qu’il vous reste, année après année, un montant d’argent non utilisé, l’incorporation est probablement une bonne idée.

L’explication est simple. 

Imaginons le scénario suivant. Vous êtes traductrice-pigiste (donc TA), et vous avez un revenu de 80 000 $. Si votre train de vie (nourriture, transport, hypothèque, garderie, impôt, etc.) vous coûte 80 000 $, il n’y a pas d’avantage financier à vous incorporer, vous dépensez tout ce que vous gagnez.

En revanche, si la vie vous coûte 50 000 $, il vous reste donc 30 000 $, alors l’incorporation devient séduisante parce que ce montant non utilisé (30 000 $) sera imposé au taux des particuliers (aux alentours de 38 %) si vous êtes TA, alors que vous auriez pu le laisser dans les coffres de votre société incorporée et ne payer qu’environ 20 % d’impôt dessus. Potentiellement des milliers de dollars d’économie.

Par ailleurs, si vous avez de l’actif (machinerie, véhicules), des employé·es, une hypothèque ou un bail et des revenus de quelques millions (indépendamment des profits), la question ne se pose pas, l’incorporation va de soi.

Rémunération des actionnaires

Si vous êtes actionnaire de votre entreprise, vous pouvez vous payer en dividendes, en salaires, ou un mélange des deux. 

Chaque option offre des avantages (et des inconvénients), nous rappelle Mylène Goyette.

Voici, rapidement esquissés, quelques éléments à retenir (d’après un tableau utilisé par la comptable lors de son webinaire) :

Modes de rémunération possibles si on est actionnaire de son entreprise incorporée
Cotisations socialesREERDépenseFrais de gardeGestion
Salaire✔ Permet de cotiser au RRQ et RQAP✔ Permet de cotiser à un REER✔ Le salaire est une dépense déductible ???? Permet la déduction des frais de garde (fédéral)???? Implique des retenues à la source pour l’entreprise 
Dividendes❌ Pas de cotisation possible❌ Pas de cotisation possible❌ Pas déductible???? Les frais de garde ne sont pas déductibles???? Aucune retenue à la source

Un mode n’est pas en soi plus avantageux que l’autre : ça dépend de notre réalité. D’où l’importance d’en discuter avec une personne de confiance qui s’y connaît (comme votre comptable !).   

Plusieurs autres sujets sont abordés dans le webinaire

La fiscalité des entreprises est un monde vaste et complexe, qui regorge de petits détails. Vous venez de lire un rapide résumé de seulement quelques-uns des points mentionnés lors de la conférence en ligne — allez l’écouter, Mylène Goyette y aborde de nombreuses autres questions fort pertinentes pour les entrepreneur·es, par exemple :

  • Dans quelles circonstances doit-on s’inscrire aux taxes (TPS/TVQ) ?
  • Quels sont les avantages de s’y inscrire même dans les cas où on n’y est pas légalement tenu·es ?
  • Comment calculer les taxes ?
  • Quelle est la différence entre fournitures exonérées et fournitures détaxées ?
  • Quelles dates sont à retenir, notamment en lien avec les acomptes provisionnels, les déclarations de revenus d’entreprise, les DAS et autres ?
  • Comment distinguer légalement un·e employé·e d’un·e TA et quelles sont les implications de les confondre?

Bref, de nombreux sujets, traités de manière éclairante et accessible, et ce, même si on n’y connaît pratiquement rien.   

Une entreprise saine, c’est une entreprise qui est non seulement profitable, mais qui est aussi bien gérée. Et la fiscalité est un volet fondamental d’une gestion avisée. 

Mylène Goyette, CPA, nous en donne la preuve et nous fournit de nombreuses pistes pour mettre de l’ordre dans nos chiffres et prendre de judicieuses décisions pour notre entreprise.