Le repreneuriat est de plus en plus populaire au Québec, et pour cause : il présente de nombreux avantages pour quelqu’un qui envisage de se lancer en affaires. Mais attention : il comporte aussi de nombreux, et de très réels, défis. Quels sont-ils et comment naviguer dans tout cela? Pour y voir plus clair, Evol a rencontré l’une des grandes spécialistes du repreneuriat québécois.
Repreneuriat : un mot-valise formé d’entrepreneuriat et reprendre, qui désigne le fait de reprendre les destinées d’une entreprise existante.
Dans les termes du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), il s’agit de la « volonté commune pour un·e repreneur·e et un·e cédant·e d’assurer la pérennité d’une entreprise viable par le biais du transfert des pouvoirs, du leadership, des savoirs et de la propriété de celle-ci ».
Le CTEQ est un organisme de réflexion et de conseil, qui s’impose comme le chef de file québécois en repreneuriat. Sa mission est d’assurer la pérennité des entreprises québécoises.
Le phénomène du repreneuriat n’est pas nouveau.
De tout temps, les commerces se sont légués de génération en génération.
Mais le contexte est particulier en ce moment : le nombre d’entreprises québécoises menacées de disparition est alarmant. De là l’importance de sensibiliser à ce phénomène de reprise, de baliser le processus, d’accompagner les individus tentés par cette aventure, cédant·e·s comme repreneur·e·s.
« Car on ne s’improvise pas repreneur! »
La personne qui lance ces mots, c’est Jessica Grenier, présidente d’Espace Oria, entreprise spécialisée dans le repreneuriat familial.
Jessica en connaît un bout sur les affaires. Troisième génération d’entrepreneur·e·s, elle a baigné toute sa vie dans le monde entrepreneurial.
« Le repreneuriat est une aventure des plus stimulantes. Mais ce n’est pas parce qu’une entreprise existe déjà que tout se déroule sans turbulences. Il faut être préparé·e et très bien entouré·e pour que ça marche! »
Il existe divers types de repreneuriat, précise Jessica Grenier.
Le repreneuriat familial désigne le fait pour un ou plusieurs membres d’une famille (enfants, petits-enfants, cousines et cousins, etc.) de reprendre l’entreprise. Dans ces cas, il n’est pas rare que le processus de passation dure des années et soit dûment planifié.
On parle de repreneuriat interne lorsqu’une ou plusieurs personnes de l’équipe en place assurent la reprise. Comme les individus connaissent bien l’organisation et le marché, on maximise les chances de succès.
Il existe aussi des formes hybrides des deux premières, ainsi que des formes émergentes, quoique plus rares, comme la transformation en coopérative d’une compagnie incorporée.
Et on parle finalement de repreneuriat externe lorsque les repreneur·e·s n’ont ni lien d’emploi, ni lien familial avec l’entreprise.
Le repreneuriat externe est une aventure souvent plus risquée. Typiquement, le processus (trouver l’entreprise, négocier les conditions, faire la revue diligente) est plus court et laisse peu de temps aux nouveaux dirigeants et nouvelles dirigeantes pour s’adapter.
La capacité d’adaptation est d’ailleurs, pour Jessica Grenier, l’une des qualités fondamentales des repreneur·e·s.
Parce qu’il ne faut pas se le cacher, la reprise externe est une sorte d’électrochoc pour une organisation : changement de propriétaire, changement de leadership, mobilisation des équipes, assimilation des dynamiques internes, etc.
Et si les nouveaux gestionnaires connaissent mal le secteur d’activité et l’écosystème de l’entreprise, la secousse est encore plus grande.
Qui ne peut s’adapter vivra un stress intense, minant au passage les chances de succès du projet repreneurial.
Comment s’y prendre pour ne pas y laisser sa santé?
Il n’y a pas de recette magique, nous dit Jessica Grenier, il n’existe pas de méthode qui fonctionne à tout coup.
En revanche, il y a de bonnes pratiques qui permettent d’atténuer le risque :
- D’abord, la qualité de la relation est essentielle entre nouvel·le·s et ancien·ne·s propriétaires. Si une complicité peut naître et que les ancien·ne·s ont vraiment à cœur la réussite des nouvel·le·s, le gain est inestimable.
- La transparence et l’humilité sont des cartes gagnantes. Reconnaître qu’on a des lacunes quand on arrive, être à l’écoute des autres, laisser les employé·e·s d’expérience nous enseigner, voilà la bonne attitude à avoir. (Au contraire, on risque d’être rejeté·e en jouant les matamores.)
- Être bien entouré·e : c’est peut-être la clé du succès. Non seulement dans l’équipe de repreneur·e·s (il est bon d’avoir une complémentarité des forces et compétences), mais aussi dans l’équipe-conseil : fiscalistes, comptables, avocats, coachs, exécutifs, etc., ces femmes et ces hommes qui ont une expertise pointue peuvent nous faire gagner un temps fou et nous éviter bien des ennuis.
- Avoir des compétences managériales et une maturité entrepreneuriale sont des conditions fondamentales. Attention, ce n’est pas une question d’âge : certain·e·s jeunes de 25 ans ont un sens des affaires aiguisé. Mais reprendre une entreprise avec le nombril vert, sans être capable de lire la documentation financière, sans expérience de négociation, sans savoir comment diriger des équipes de travail, c’est là un passeport pour les nuits blanches.
C’est que tout se déroule à une vitesse folle au début. Ce ne sont pas les repreneur·e·s qui imposent leur rythme, bien au contraire : ils et elles subissent le rythme de l’entreprise!
Il faut être prêt·e.
C’est aussi une question de crédibilité.
Vous devez vite démontrer à l’équipe en place que vous avez les nerfs assez solides pour diriger et les connaissances pour prendre des décisions judicieuses. En un mot, vous devez gagner le respect de votre monde, et notamment des employé·e·s clés, qui sont souvent des leaders à leur manière, susceptibles d’influencer (favorablement ou non) les autres.
Bref, les défis ne manquent pas.
Mais quelle aventure stimulante!
Et les avantages? Au lieu de partir de zéro, sans produits, sans services, sans bureaux, sans équipe, vous héritez d’une machine en marche, idéalement rentable, qui fonctionne à tous les points de vue, et dont la preuve de concept est faite. C’est énorme! Et très invitant.
Mais il faut faire ses devoirs, ne pas précipiter ses décisions, se préparer adéquatement à une aventure exaltante, et profondément humaine.
« Le repreneuriat est un choix digne, responsable et efficace sur le plan entrepreneurial », lance Jessica Grenier en guise de conclusion.
Vous êtes tenté·e par l’aventure repreneuriale?
Procurez-vous le livre Génération repreneurs, écrit par quatre spécialistes (dont Jessica Grenier), la référence au Québec sur le sujet.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Desjardins ayant pour objectif la création des Parcours Essence-repreneur·e·s et Croissance d’impact, une initiative d’accompagnement qui permet à de jeunes entrepreneur·e·s de faire progresser leur projet de repreneuriat et de croissance d’impact par l’entremise de parcours innovants. Pour en connaître davantage sur cette initiative: